Plongée dans les coulisses de l’arbitrage cycliste
Les courses cyclistes sont rythmées par les exploits des coureurs, certes… mais dans l’ombre (et parfois en plein soleil à 30°C au bord de la route), les arbitres veillent au bon déroulement et à l’équité des épreuves, sous l’égide de la Fédération Française de Cyclisme (FFC).

De gauche à droite : Patrick Tesson, Chloé Blanchemain et Raphaël Munier, arbitres FFC, s’affairent à établir les classements à l’issue du Critérium de Cherbourg-en-Cotentin en 2024.
Aujourd’hui, zoom sur Raphaël Munier, arbitre régional de cyclisme, qui nous dévoile les coulisses de cette activité méconnue… mais ô combien essentielle. Quand il ne tient pas le sifflet (ou le chronomètre), Raphaël est un fidèle compagnon de route à l’A3C, que ce soit dans le groupe 1 du dimanche ou lors des grandes sorties à la journée.




Raphaël, tu es cherbourgeois et licencié à l’A3C depuis 5 ans. En quelques mots, peux-tu te présenter ?
Bien sûr ! Je suis arrivé à Cherbourg pour rejoindre Naval Group et le prestigieux programme des sous-marins australiens… qui a fini dans les abysses, annulé depuis. Pour m’intégrer (et éviter de parler à mes plantes), j’ai rejoint l’A3C. C’était une première pour moi dans un club, j’y ai appris les joies du peloton, les sorties à la journée, les week-ends à Gouville-sur-Mer, son karaoké endiablé… et surtout, que les cyclistes sont « sympas » et aiment partager.
On sait que tu es sportif. Pratiques-tu une autre discipline en dehors du vélo ?
Oui, je pratique la plongée sous-marine. En tant que moniteur, j’ai la chance de faire découvrir le monde sous-marin à tout âge. Les fonds marins autour de Cherbourg sont surprenants : épaves fascinantes, faune et flore abondantes… Une palanquée en plongée, c’est un peu comme un peloton, mais en apnée et sans crevaisons !
Qu’est-ce qui t’a motivé à devenir arbitre de cyclisme ?
La Fédération a lancé un appel à volontaires : il manquait cruellement d’arbitres dans la région, à tel point que certaines courses n’étaient plus homologuées. Or, sans arbitre, pas de classement officiel, pas de trophée, pas de « bravo, tu as gagné ! ». Bref, le chaos. J’ai donc décidé de me lancer pour permettre aux courses de continuer… et aussi parce que c’est un autre moyen de vivre la course, sans transpirer autant.
Comment devient-on arbitre au sein de la FFC ? Quels sont les différents niveaux ?
Pour simplifier, il existe trois niveaux de qualification : régional, national et international. J’ai pour ma part suivi une formation de 4 jours à Caen, au siège du Comité de Normandie. C’est intense : beaucoup de réglementation, des cas pratiques… et un examen de 4 heures à la fin, écrit et oral. Heureusement, pas d’épreuve chronométrée à vélo !
Peux-tu nous résumer tes principales missions avant, pendant et après une course ?
Avec plaisir !
- Avant la course : on vérifie que tout est en règle avec l’organisateur. L’arrêté préfectoral est bien là ? Les signaleurs sont-ils à leur poste ? Le parcours est-il sécurisé ? La route est-elle praticable ou pleine de graviers façon Paris-Roubaix ?
- Pendant la course : on note les abandons, les incidents, on s’assure du respect des règles (jet de bidons, zones de dépannage…). On observe… et parfois, on joue les détectives.
- Après la course : on établit les classements, on valide les résultats avec la FFC… et on distribue les amendes si besoin. Oui, l’arbitre a aussi un côté « policier du vélo ».
Quelle est la partie la plus difficile de ton travail ? As-tu déjà appliqué des sanctions ?
Les arrivées massives, avec un peloton lancé à pleine vitesse, sont parfois un challenge : on cherche des dossards invisibles, on espère que la vidéo a bien capté les choses… et on prie pour que personne n’ait décidé de coller son dossard sous son maillot.
Et oui, j’ai déjà appliqué des sanctions, notamment pour des jets de déchets – gels ou emballages. On est pour la performance, pas pour le compost sauvage.
As-tu déjà été confronté à une situation imprévue ?
Oh que oui ! Une fois, à Portbail, une échappée de 8 coureurs se forme. Mais dans un virage, un coureur pousse discrètement un autre… qui chute, vélo HS, coureur ensanglanté, fin de course. Sur le moment, on ne voit pas clairement le fautif. Pendant qu’on enquête, le speaker commence la remise des prix. Et là, surprise : le 2e sur le podium est justement celui qu’on identifie comme responsable de la chute ! J’ai dû interrompre la cérémonie en mode « coup de théâtre », façon cérémonie des Oscars. Ambiance.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut devenir arbitre ? Quelles qualités faut-il avoir ?
La formation et l’expérience forgent les compétences. Heureusement, on n’est jamais seul : on travaille en équipe, souvent avec des arbitres chevronnés qui partagent leur savoir.
Mais au fond, il faut avant tout un bon sens de l’équité, une certaine rigueur (et pas seulement dans le port du polo FFC), et une volonté farouche de faire vivre notre sport, dans le respect et la sécurité.
La technologie change-t-elle la fonction d’arbitre ? Que penses-tu des transpondeurs et outils de chronométrage ?
C’est une avancée majeure, et c’est bienvenu. Cela facilite beaucoup de choses… mais attention : même la meilleure puce ne remplace pas un œil attentif. En cas d’arrivée au sprint, compact, les capteurs peuvent parfois se tromper – un peu comme un GPS qui vous envoie dans une impasse. Alors, le regard humain reste essentiel.
Souhaites-tu ajouter quelque chose ?
Oui ! On manque encore d’arbitres dans certaines courses. Si vous êtes tenté·e par l’aventure, n’hésitez pas : volontaires bienvenu·e·s !
Et n’oublions pas que cette activité est 100 % bénévole : notre seule récompense, c’est de permettre aux autres de pratiquer leur passion dans de bonnes conditions. (Et parfois, une part de tarte aux pommes au stand buvette du club.)
Merci à Raphaël de nous avoir fait découvrir cette facette du cyclisme !

Non, Raphaël n’est pas en train de brandir un carton jaune ! Symbole de la mesure mise en place par l’UCI pour renforcer la discipline et la sécurité lors des compétitions cyclistes.
C’est tout sourire que Raphaël vient d’être récompensé pour l’obtention du BRM 200 km (en fait 214 km/2 800 m D+) organisé le samedi 29 mars 2025 par le VCA (Vélo Club Aubagnais).